Un pasteur aux horizons ouverts
Vous arrivez à la retraite après une longue carrière. Comment vivez-vous cette transition?
C’est une nouvelle étape de la vie. J’ai déménagé, je transforme la maison. Ce changement marque aussi le début d’un temps plus consacré à ma famille. J’aimerais commencer tout d’abord par faire une pause pour m’occuper davantage de mes petits-enfants et profiter pour voyager.
Vous avez été consacré pasteur il y a quarante ans. Pouvez-vous revenir sur les grandes étapes de votre ministère?
Après mes études de théologie à Lausanne, j’ai débuté à l’église française de Bâle, dans une équipe très formatrice. Ensuite, en 1989, j’ai rejoint la paroisse de Cully, où j’ai été pasteur pendant onze ans. Puis j’ai partagé mon ministère entre Chardonne et l’aumônerie cantonale de l'Enfance, domaine auquel j'ai consacré la première partie de mon ministère. La deuxième partie sera axée sur un ministère en Institution puisque j'ai été aumônier en EMS durant 17 ans, tout en gardant un pied dans la vie paroissiale, à La Tour-de-Peilz, puis Clarens.
Vous parlez souvent de votre passion pour l’enfance. Pourquoi est-ce si important pour vous?
Ce sont mes plus beaux souvenirs. Concevoir des activités bibliques pour les enfants, leur faire découvrir l’Evangile, les récit de l'Ancien Testament… J’ai toujours voulu partager les textes bibliques de façon simple et vivante. Je me suis toujours perçu comme un vulgarisateur des trésors bibliques.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours de foi?
Je viens de La Tour-de-Peilz où ma famille est implantée depuis plus de cent ans. Je dis souvent que je suis né entre deux feuilles de Bible, car mes parents étaient membres d’une assemblée évangélique (darbyste). A l’époque, on aurait parlé de «secte», car dans ce milieu, on se considérait comme des «vrais» chrétiens et on jugeait «le monde» qui n’était croyant que de nom. On ne fêtait pas les grandes fêtes chrétiennes, on ne récitait pas la prière du Notre Père, considérée comme une vaine redite. C’est à l’adolescence que j’ai commencé à me poser des questions. La rencontre d’autres chrétiens de tous milieux a ouvert mon horizon sur la pluralité des convictions chrétiennes représentées par des communautés fort diverses. Ces rencontres m’ont forgé et ont permis mes premiers pas sur le chemin de l’œcuménisme. A 18 ans, j’ai donc décidé d’étudier la théologie dans l’idée de devenir pasteur.
Qu’est-ce que les études de théologie ont changé pour vous?
Au début, certaines personne m'ont mis en garde: j’allais perdre la foi en faisant ces études, car à la Faculté de théologie de Lausanne l’approche historico-critique des textes de la Bible était très différente de celle de mon milieu d’origine.
Est-ce que votre foi a par conséquent changé?
Oui, mais pas d’un coup. C’est un long chemin. Ainsi, pendant mes études, je n’ai pas changé d’Eglise. J’ai plutôt adopté une attitude d’ouverture. C’est plutôt mon approche de la foi qui a changé et particulièrement mon rapport au texte biblique. J’ai appris à mettre une distance critique avec le texte de la Bible, et je crois avoir ainsi mieux découvert celui qui l’inspire! Aujourd'hui, j'aime bien me présenter comme un chrétien évangélique, réformé et œcuménique.
Vous vous êtes engagé dans le dialogue interreligieux, pourquoi?
En 1977, je suis parti en auto-stop vers le Moyen-Orient. Je suis tombé gravement malade à Damas et c’est un pharmacien musulman qui m’a comme «sauvé la vie» en me soignant chez lui, pendant plusieurs jours, comme si j’étais son fils. Dans mon délire, j’ai vu en lui le «bon Samaritain» de la parabole racontée par Jésus. Après cela, j’ai visité et pu librement prier dans de nombreuses mosquées et j’ai été accueilli fraternellement dans de nombreuses familles au cours de ce voyage où jamais je n’ai ressenti d’insécurité. De là date l’amour particulier que je porte aux musulmans dont j’admire la foi remarquable. En 2015, j’ai vécu six mois en Asie. Au Japon, j’ai eu le privilège d’étudier dans le Centre pour l’étude des religions japonaises à Kyoto et de faire de nombreuses rencontres de prêtres bouddhistes, shintoïstes et d’autres religions. Cela a renforcé ma conviction qu'une tâche prioritaire de l'église du 21e siècle était le dialogue interreligieux.
Qu’est-ce qui va vous manquer le plus dans la vie pastorale?
Sans doute les collègues, le travail en équipe. Mais je ne vais pas disparaître! J’ai eu la chance d’exercer un métier qui m’a passionné toute ma vie. J’aime la paroisse, j’aime les gens et la vie locale. Je suis reconnaissant pour tout ce que j’ai pu vivre. Je ne suis pas nostalgique du temps passé. Je me prépare à accueillir ce qui vient, avec confiance et curiosité.